Mon 2ème Paris Brest Paris (août 2023), départ lundi 5h am

(Eric MORIN)

 

GWENN HA DU (blanc et noir)

Deux mois sont passés depuis la 20ème édition du PARIS BREST PARIS (PBP), la fièvre du 20 août est  retombée, pour laisser place « aux sanglots longs des violons de l’automne » (Verlaine). Chacun s’en  est allé des images plein la tête après 4 jours de fête. 

A mon tour, je vous livre le récit de ma 2ème participation, fait de portraits, d’impressions, d’ombres  et de lumières, en noir et blanc aux couleurs du drapeau breton. 

LE GRAND PRIX DES NATIONS 

Avant cela je rappelle si besoin, qu’il faut avaler des petits bouts de PBP, comme pour s’ouvrir  l’appétit, avec les brevets. 

- dans le sud (200 et 300) Provence et Catalogne (moitié en France, moitié en Espagne)

- dans le nord (400 et 600) Sologne et Champagne 

En apparence assez simple et facile, excepté le dernier (600 de Cergy). A 50 km de l’arrivée, nous  avons été surpris, avec Eric CANVA, par un violent orage qui nous a cloué à DAMMARTIN EN GOELE,  durant 1h30. Notre salut viendra de la bienveillance d’un ancien cycliste qui nous a abrité chez lui le  temps nécessaire. Pressés par le temps, nous avons entamé un contre la montre digne du grand prix  des nations, sur des routes détrempées pour arriver dans les délais. 

VOUS ME SUIVEZ ? 

Cette année, j’ai choisi de partir le lundi matin, de telle sorte, que par opposition à un départ le  dimanche, je roule d’abord de nuit puis vient la journée et encore la nuit. Le dimanche, c’est l’inverse,  ainsi j’aurai l’impression de faire un tout nouveau PBP, d’autant que nous faisons le tour de la  Bretagne dans l’autre sens. Alors maintenant on va au PBP, parce que c’est l’heure ! 

LES LUCIOLES 

Lundi 21 août 2023 

2h - du matin réveil 

3h - départ de la maison 

4h - arrivée à Rambouillet et dernières formalités. 

5 h -3.2.1… c’est parti. On dirait des lucioles avec nos tenues fluo, nous restons groupés pendant 40  km, sans doute pour se protéger de la fraîcheur de la forêt (13°), puis des groupes se forment dans les  plaines beauceronnes. 

A Nogent le roi au carrefour, je suis à l’avant du paquet, je tourne à gauche et c’était à droite…mais  j’aurai l’occasion d’y revenir. La côte de Longny-au-Perche finit de nous éparpiller. 

Arrivée à Mortagne-au-Perche : 30 mn d’arrêt, aux bénévoles « c’est encore loin Brest ? », « non, c’est  juste derrière la colline !». Au self il y a moins de monde, on gagne du temps, mais il y a aussi moins  d’ambiance. 

KM 203 : Villaines-la-Juhel 13H10 

LES SIFFLETS 

Soit 203 km en 8h (arrêts compris), pas mal ! 25km/h de moyenne (j’ai fait le calcul, ça vous évitera  de le faire). La restauration ne me convient pas, je ne m’attarde pas. Il fait beau et même chaud, je  m’arrête d’abord au cimetière d’Ambrières les vallées, au point d’eau, j’attends mon tour, puis chez un  marchand ambulant ; gâteau de riz, boisson gazeuse. Les groupes sont rares, j’ai l’impression que  nous sommes peu nombreux sur la route, derrière moi j’entends des sifflets, je me retourne,  personne, demi-tour et je comprends que le panneau est mal placé, je viens de louper le changement  de direction. Merci les sifflets. 

A Tinténiac, le rituel : parking, tampon, restauration de spécialités régionales, le tout dans une  ambiance de kermesse, on n’oublie pas de saluer tout le monde avant de repartir.

Maintenant le PBP  monte d’un cran, avec l’ascension de la côte de Bécherel, le public est au rendez-vous, et d’ailleurs je  m’arrête pour m’équiper pour la nuit, allumer mes feux, une famille m’interroge « Vous venez  d’où ?A quelle heure êtes-vous partis ?». Je prends le temps d’expliquer ma journée, devant les  enfants qui ont l’impression de voir un extra-terrestre. 

L’ANTENNE RELAIS 

Le prochain arrêt sera Loudéac, (je fais l’impasse sur l’arrêt à Quédillac, perte de temps inutile), le  Cyclo club de Croissy sur Seine, a décidé d’apporter tout son soutien à ses coureurs, et ce sont deux  anciens lauréats du PBP qui vont assurer l’animation de cette succursale éphémère. Dominique  MOREAU et Yves SCHNEIDER nous accueillent H 24. 

Gîte grand confort, chambre individuelle, garage à vélos, le tout refait à neuf. Je suis tellement pressé  d’y être que j’arrive avec 1h ½ d’avance sur l’horaire prévu. Accueil, au milieu de la nuit (1h du mat.),  rien ne manque, repas, boissons, les news du club, douche et dodo. Quelques heures plus tard, réveil en douceur, petit déjeuner varié, un grand merci à nos deux GO. 

Mardi 22 Août 2023 

Km 515 : Carhaix 10h54 

LE SYNDROME DE LA TOUR DE PISE 

Depuis mon départ de Loudéac, j’observe ceux qui ont bien récupéré pendant la nuit, et tous les  autres… J’ai les jambes tout va bien. Apparition du premier coureur penché, c’est un allemand, la  fatigue est déjà présente et laisse des traces visibles. Ravitaillement improvisé à Poullaouen, en  compagnie d’un philippin de Manille, puis c’est l’ascension du Roc’h Trévézel, point le plus haut du  PBP. Descente sur Sizun, en compagnie d’un novice, (60 % des inscrits). 

Enfin BREST 15h22, repas au lycée de Kérichen. Je partage ce moment avec un américain de San  Diego, il voudrait qu’on roule ensemble et trouve aussi qu’il y a beaucoup de bosses en Bretagne, je 

lui précise que le retour sera encore plus dur, finalement il préférera faire une sieste.

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L’ASSOMMOIR 

2ejournée de chaleur, il fait beau à Brest, du monde à la plage, quelques photos pour les souvenirs, et  maintenant, les montées du massif armoricain. Et une, et deux, et trois… c’est long, c’est répétitif, le  temps d’une descente avec des américains déjà vus, et on recommence. Retour à Carhaix (21h20),  plus grand-chose au self, des pâtes du potage et quelque chose qui tente la comparaison avec une  tarte aux pommes. Je m’équipe pour la nuit. Cette expression « on monte sur Paris » a tout son sens,  ça monte tout le temps. Désormais nous prenons toute la route, devant moi un vélo roule à gauche,  puis sur le bas-côté, et finira dans le fossé. 

L’ECHAPPEE 

Dans la nuit les lumières rouges sont de plus en plus distantes, et je m’étonne de rouler à gauche,  j’essaye de redresser après un rappel des motards de l’ANEC, rien à faire, je penche moi aussi  (problème physique ou neurologique, le débat est ouvert). Je ne vois plus personne et aucune  indication, à l’évidence je suis sorti du circuit, je rejoindrai les autres à Pontivy après 20 km de balade nocturne en solitaire.

Mercredi 23 Août 2023 

KM 782 : Loudéac 2h37 

Retour au camp de base (2h45). Cécile PAIRAULT a rejoint Dominique et Yves, après le petit déjeuner,  c’est la levée du camp, on range ses affaires, et je repars avec ½ h de retard. Le vent est de face et  l’énergie fait défaut, la journée va être longue. 

Je suis à la remorque d’un groupe d’italiens, pour retrouver du rythme et l’abri du vent jusqu’à  Tinténiac, où je retrouve Christiane THIBAULT, (ancienne du PBP elle aussi) qui me prodigue quelques  conseils face à mon coup de mou. Sur le parking, les organisateurs rôdent autour de mon vélo, après  explications, il s’avère qu’ils cherchent à récupérer le vélo d’un participant parti précipitamment à  l’hôpital. 

KM 928 : Fougères 16h28 

LA PHARMACIE DE LA CHAPELLE JANSON 

Il fait encore chaud (38° sur le vélo au parking), 3ejournée de chaleur, au self il y a à peu près autant  de bénévoles que de participants. Je m’éloigne de Fougères, et m’étonne d’être sur une route avec  autant de camions. Je m’arrête et attend les autres cyclistes. Une voiture s’arrête, puis une  deuxième, « vous faites PBP ? mais vous vous êtes trompé de route ! ». Là le ciel me tombe sur la  tête, ils m’expliquent comment rejoindre le circuit en passant par la Chapelle Janson, et ainsi éviter  de revenir à Fougères. Je peine à retrouver ma route et m’arrête à nouveau dans une pharmacie, les  clients ont bien compris la situation pathétique dans laquelle je me trouve, ils m’aideront à retrouver  mon chemin, une boite de doliprane et c’est reparti.  

NEXT CONTROL 

La nuit est tombée, dans une descente, les élastiques de ma sacoche de guidon lâchent, mon plan de  route s’envole, je le récupère, et un américain me rejoint, nous en profitons pour faire le point. Je lui  explique que nous sommes là et que « next control, forty kilometers », dans la lueur de ma frontale,  

je vois le regard perdu de quelqu’un à qui on annonce une terrible nouvelle, « I’m very tired, very  tired » (je suis très fatigué, x 2 fois), je lui conseille de s’arrêter 2 heures, ça ira mieux après. En moi même, je pense qu’il est le reflet de ce que je suis sans doute. 

KM 1018 : Villaines-la-Juhel 22h31 

Repas, dortoir, petit déjeuner, au total 5h d’arrêt. Super, j’ai retrouvé de l’énergie, mais désormais j’ai  1h30 de retard sur le temps de passage, longues séquences, seul sur la route. Les gyrophares bleus très visibles dans la nuit mayennaise, préviennent de l’arrivée imminente des  pompiers, à l’entrée d’un village, un italien me stoppe pour m’expliquer qu’il a vu devant lui, tomber  un participant qui s’est endormi sur le vélo. Il a appelé les secours, l’accidenté sera transporté à  Alençon, hôpital le plus proche. 

Jeudi 24 août 2023

KM 1099 : Mortagne-au-Perche 8h05 

1h de retard, repas express. Il reste 120 km à faire en 9h maxi, arrêts compris. KM 1177 : Dreux 12h35 

LE SEMAPHORE 

A l’entrée du contrôle, vous ne pouvez pas le louper. Imaginez un monsieur de grande taille, qui  gesticule en tous sens : « le parking à vélo c’est par là, la restauration c’est ici, la direction de Paris là bas » et le tout sous la pluie. Au menu, potage, omelette, ½ melon, boisson gazeuse. Quand je repars il est toujours là, je m’inquiète pour lui, il me répond : « des tee-shirts, j’en ai 3 de  rechange », avec le sourire. 

Vent de face avec la pluie, compteur bloqué autour de 16/18 km/h, les articulations souffrent. Enfin dans la forêt de Rambouillet, je suis doublé par une finlandaise qui m’exprime, toute sa joie  d’être bientôt arrivée, je la comprends. 

KM 1219 : Rambouillet 15h53 

Arrivée triomphale devant un public de connaisseurs, Marylène mon épouse, Christiane THIBAULT, le  Président Alain CORNET me félicitent, j’apprécie et échange mes premières impressions autour du  verre de l’amitié. 

REMERCIEMENTS: 

Marylène, pour sa patience et son soutien. 

Le Cyclo Club de Croissy sur seine, pour sa générosité et l’aide précieuse de Dominique et Yves. Les bénévoles et ceux qui m’ont remis dans le bon chemin, tous ceux que j’ai oublié et qui me  pardonneront. 

Sans eux rien n’aurait été possible. 

Eric MORIN – W 236 – Départ le lundi matin 5 h.

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