Paris Brest Paris 2023 (20 au 24 août)
Eric Canva
C’est Eric Morin, que je remercie aujourd’hui, qui m’a parlé du Paris Brest Paris (PBP) en premier.
Il a éveillé ma curiosité sur cette randonnée mondialement connue. Et de fil en aiguille, je m’y suis intéressé sans toutefois penser que je la ferai un jour. C’était il y a environ trois ans et demi. Pour information, à cette époque, je venais de m’inscrire au club, et après environ 50 km, je commençais à peiner !
Pourquoi s’engager dans un tel challenge ?
1200 km en 90 heures, 11 500 mètres de dénivelé, c’est énorme sur le papier ! Ca parait démesuré ? Rouler entre trois et quatre jours dont trois nuits, presque sans repos !!!
Un défi contre soi même ?
Pour pouvoir m’inscrire il a fallu que j’effectue des épreuves obligatoires (200, 300, 400 et 600 km) homologuées par l’Audax Club Parisien (ACP), limitées dans un temps bien précis, appelées Brevet des Randonneurs Mondiaux (BRM). Bref, après de longues hésitations, je me suis dit que les quatre BRM seraient les juges de paix, que je verrai comment je m’en sortirai physiquement et moralement.
Le BRM 200 d’Andrésy du 11/03/2023 :
Première sortie, en solo, en dehors du club sur une si longue distance. Le jour à peine levé, parti un peu vite en essayant de suivre un groupe, les côtes du Vexin, dans le final, ont été un peu dures à passer. Une bonne leçon pour les BRM suivants, à savoir gérer l’effort et en garder toujours sous la pédale.
Je me suis inscrit au PBP 2023 le 25 mars suite à l’homologation de ce BRM.
Le BRM 300 de Chartres du 01/04/2023 :
Parti tôt dans la nuit, premier test de l’éclairage, en compagnie d’Eric Barbareau.Poussés par le vent sur un peu plus de cent kilomètres, le retour vers Chartes avec les longues lignes droites bosselées de la Beauce, avec un vent de côté, puis de face assez fort en essuyant un gros orage sur le final, a été fait dans la gestion de l’effort.
Ce 300 m’a semblé être mieux digéré que le 200 d’Andrésy, le plus dur ayant été de rentrer seul en voiture sur Croissy !
Le BRM 400 de Longjumeau du 13/05/2023 :
Ma première nuit complète à vélo !
Effectué avec les deux Eric, Eric Barbareau et Eric Morin.
Un fort vent de dos nous a poussé sur un rythme élevé jusqu’au premier contrôle. La nuit tombe et nous roulons prudemment jusqu’au contrôle suivant où nous attend un repas chaud prévu par l’organisateur du BRM.
Nous repartons dans la nuit et prenons des photos des panneaux des villes « contrôle ».
La nuit, il n’y a rien d’ouvert !
Le jour se lève et nous poursuivons la route jusqu’à Longjumeau.Pas d’arrêt « dodo », pas trop fatigué, mais quelques pauses dans la nuit.
Restera à peaufiner l’éclairage qui n’était pas au top !
Le BRM 600 de Cergy du 10/06/203 :
Deuxième nuit complète, nous partons tôt à quatre cyclos du club. Alain Cornet, Thierry Streiff, que nous laisserons à Houdan, et Eric Morin.
Le vélo est préparé comme pour le PBP. Sacoche de guidon, sacoche de selle et éclairage optimisé.
Nous avons choisi avec Eric de s’arrêter dans un hôtel à Troyes (360 km) afin de se reposer dans un vrai lit et de prendre un bon petit déjeuner. On laisse filer Alain vers Sens qui va un peu trop vite pour nous.
On roule sur un bon rythme tout en gardant de la réserve. Bien nous en a pris car les côtes, longues et nombreuses du pays d’Othe près de Troyes ajoutent à la difficulté des 600 km à parcourir.
Après la nuit passée à l’hôtel, nous repartons vers Provins puis vers Dammartin en Goële où nous subissons un très gros et long orage qui nous oblige à nous arrêter pour s’abriter. Arrêt forcé d’environ 1h30, les routes sont inondées voire impraticables.
Les heures tournent et nous devons rallier Cergy avant 21 h. Nous roulons à vive allure malgré la fatigue. On pousse, on pousse, on arrive à Cergy à 21h02 à ma montre. Le BRM est validé, de justesse.
Moralité : tout peut arriver sur les longues distances, là un problème météo et petit souci mécanique pour ma part (plus de grand plateau). Il faudra donc optimiser les arrêts.
Mes quatres BRM ont été effectués de mars à juin. Ensuite jusqu’au départ du PBP, j’ai effectué trois sorties par semaine (300 à 350 km au total), les deux du club, et une troisième, seul ou accompagné.
Mon vélo a été révisé avec changement des câbles et gaines et de la chaine.
Les pneus et chambres à air ont été changés environ 150 km avant le PBP. Les BRM permettent de mieux se connaître et de tirer des leçons sur ce qu’il faut faire et ne pas faire pour durer sur la longue distance.
Le Jour J le 20 aout 2023
Que de monde dans le parc du château de Rambouillet ! J’ai compris après un bref moment d’hésitation qu’il fallait se regrouper derrière le panneau flottant, tenu à bout de bras par un bénévole, où la lettre de mon numéro de plaque était inscrite. ‘N’ pour ma part (plaque N246).
S’en suit une longue procession à pied vers le château pour le contrôle des vélos, puis passage obligé pour le tamponnage du carnet de route et direction vers la ligne de départ où je retrouve Alain, Dominique et Yves qui me donnent des derniers conseils.
19h15, top départ. Au ralenti, environ 300 cyclistes du sas s’élancent et suivant les conseils prodigués, je laisse quelques mètres de distance avec ceux qui me précèdent.
Direction Mortagne au Perche (120 km). Je me retrouve dans une longue et interminable file de vélos. J’échange quelques mots avec d’autres participants, sans grand succès, il y a beaucoup d’étrangers.
Mais je reste concentré et prudent. Le jour se couche, des organisateurs nous arrêtent afin que l’on enfile les gilets jaunes (vert pour moi) de sécurité. Ma première nuit va commencer !
Les kilomètres défilent, sans soucis, et sans forcer j’arrive à Mortagne, lieu d’accueil à l’aller. Juste après Mortagne, je sais que Dominique et Yves m’attendent pour un ravito. Je les retrouve au bord de la route et je me ravitaille assis dans un fauteuil, top confort !
Je repars dans la nuit vers Villaines la Juhel suivant une longue file de feux rouges arrière ! J’avance dans la nuit jusqu’au contrôle de Villaines (203 km); le jour se lève peu après, puis Fougères (293 km). Tout va bien, j’ai toujours dans la tête de gérer l’effort et de ne pas prendre de risque.
Contrôle à Tinténiac (354 km), je prends mon temps pour y prendre un repas.
Je repars vers Loudéac (435 km) où m’attendent Dominique et Yves. Direction la maison louée par le club à 100 mètres du contrôle: douche, repas, repos de trois heures, petit déjeuner et départ vers Carhaix dans la nuit.
Ce qui est bien dans la nuit, c’est que les l’on ne voit pas les difficultés. Je suis un petit groupe à bonne allure et me voilà à Carhaix (515 km). Petite halte pour récupérer et grignoter et direction Brest.
Dans la descente qui nous mène à Sizun, ma lampe s’éteint tout d’un coup, l’angoisse ! Pendant quelques instants je suis d’autres cyclistes, mais ils vont trop vite et je prends la décision de m’arrêter comme je peux dans le noir ! Je sors ma lampe de secours et je repars toujours dans cette descente, mais à force de fixer la ligne blanche de la route, je suis comme hypnotisé et je sens que je vais m’endormir.
Je décide de m’arrêter sur le bord de la route, derrière une glissière, une bonne demi-heure. Le jour se lève et je m’arrête à un carrefour où des boissons et des crêpes bretonnes sont offerts par des gens bien accueillants, surtout bienveillants.
Brest approche, sur de longues lignes droites montantes et descendantes. Arrêt contrôle à Brest (604 km) et ravitaillement, j’ai effectué la moitié du parcours !
Direction Carhaix où nous attend l’étape la plus dure en dénivelé. Pour le PBP 2023, ce n’est pas la même route que pour les sessions précédentes.
Photo souvenir sur le pont Albert Louppe, avant d’entamer la première des longues côtes sur un petit développement, afin d’économiser mes forces.
Il fait chaud, je bois beaucoup.
Merci à tous les bretons sur le bord de la route qui nous encouragent et qui nous permettent de remplir les gourdes et de déguster des spécialités locales.
Surprise, contrôle secret en haut d’une côte à Pleyben, toujours sous la chaleur. La route avait été barrée à tout véhicule et nous était réservée. J’en profite pour remplir mes gourdes.
Je repars vers Loudéac. Sur la route proche du contrôle, un cycliste en sens inverse m’interpelle en me disant : « qu’est-ce que tu fais là Eric ? » Je me retourne et crois reconnaître Alain Cornet avec le maillot du club qui file à vive allure ! Etonné, je continue ma route et je rejoins nos deux samaritains Dominique et Yves avec Cécile qui est aussi là (je comprendrais plus tard).
Douche, repas, moment où je raconte mon histoire sur Alain. Là, je comprends en les voyant sourire que c’était un rêve éveillé, certainement dû à la fatigue, Alain n’était pas dans le coin à ce moment.Comme à l’aller, je me repose trois heures, prends un petit déjeuner et repars vers Tinténiac dans la nuit.
Encore cette ligne blanche qui m’obsède, qui me joue encore des tours et qui m’oblige à encore m’arrêter un bon quart d’heure. Je passe Tinténiac, Fougères où le jour se lève. Je n’oublie pas de boire et de m’alimenter, même si je n’ai pas trop faim. Sur la route j’entends les gens nous encourager avec des « bravos » en claquant des mains. Ca donne du courage et de l’énergie.
Cap sur Villaines la Juhel, où j’effectue cette fois le chemin à l’envers, mais en plein jour et il fait très chaud.
J’arrive à Villaines en montant un faux plat et je suis quasiment bloqué par une voiture qui s’est engagée sur la ligne de contrôle. Les organisateurs la dégagent au dernier moment, ce qui me permet de passer le contrôle sous de nombreux applaudissements de mayennais bien nombreux et chaleureux.
Je vais me rafraichir et c’est à cet instant qu’Eric Barbareau m’interpelle et me propose de récupérer et de s’alimenter à l’ombre. Il est en compagnie de son épouse, Elisabeth, et de sa belle sœur. Vu les kilomètres restants (200) et l’heure (presque 20 heures pour finir), nous décidons de faire le reste du chemin ensemble.
Ce qui rassure, non seulement son épouse, mais aussi la mienne, Frédérique, qui s’inquiète à distance.
Route vers Mortagne au Perche, où l’on arrive à la tombée de la nuit. On se repose et on n’oublie pas de manger et boire.
Départ vers Dreux qui se voit de très loin sur les longues lignes droites. Repos à Dreux, la fatigue est là et on ne prend pas de risque. Dernière étape vers l’arrivée de ce périple. Drôle de parcours, j’ai l’impression de tourner en rond dans la nuit. Les kilomètres défilent doucement, alors qu’on est proche du but.
Encore un coup de barre pour ma part au petit matin. Je demande à Eric de s’arrêter. Je m’assois contre un mur pour une micro sieste de 10 minutes.
On repart et la forêt de Rambouillet nous accueille, c’est vraiment bon signe. A cette heure matinale quelques cyclistes et piétons nous encouragent toujours avec des « Bravos ». Ca fait toujours chaud au cœur !
Entrée dans le parc du château de Rambouillet, un dernier faux plat pour atteindre le contrôle électronique et une mini descente pour franchir la ligne d’arrivée. J’attends Eric et on passe cette ligne main dans la main.
C’est fini, fatigué, voire épuisé, heureux mais sans plus. Je ne réalise pas ce que je viens d‘accomplir.
La famille d’Eric est là qui nous accueille et prends quelques photos souvenir.
Je fais valider mon carnet de route et on me remet une médaille, je ne réalise toujours pas, incrédule !
Photo sans trucage ;-)
Mon beau fils, Rémy, est venu me chercher en voiture, non je ne suis pas rentré à vélo et j’avoue que de Rambouillet à Croissy, je n’ai rien vu.
Rentré à la maison, bien accueilli par Frédérique et ma fille Louise, je prends une douche et je repars pour une longue distance, mais cette fois dans mon lit …
On ne fait pas un PBP sans préparation physique, morale et sans un vélo parfaitement préparé. Pas une crevaison en 1200 kilomètres.
Il faut de la volonté et surtout gérer l’effort, ne jamais s’emballer. Ne pas oublier de s’alimenter et boire même si la fatigue ne donne pas trop faim.
J’ai respecté mon planning prévisionnel, dont le but était de faire et de finir le PBP dans les délais.
1200 kilomètres à vélo m’ont laissé quelques séquelles, une grosse ampoule mal placée que j’ai du gérer pendant pas mal de kilomètres, des fourmis dans les mains et une douleur sous une voute plantaire.
Je tiens à remercier :
- Mon épouse pour le soutien moral et mes absences répétées, avant et pendant le PBP.
- Dominique et Yves, pour leur engagement total avant, pendant et après le PBP,
- Le CCC78 pour nous avoir fait bénéficier d’un hôtel 5 étoiles luxe à Loudéac, Les membres du club, notamment les participants des PBP précédents pour leurs bons conseils,
- Les bénévoles de l’ACP, toujours impeccables, lors des contrôles et accueils,
-Les Bretons et Mayennais et toutes les personnes au bord de la route.
J’entends encore dans ma tête les « bravos » et les claquements de mains résonner.